Qui est Daniel Adam - Salamon ?
Quand la loi protège les puissants plus que le peuple
De la critique historique du droit à sa pratique contemporaine
Introduction
Le Droit ! Le Droit ! Ces mots résonnent étrangement. Leur son est ambigu.
Pour les philosophes et moralistes, il s’apparente à la justice – du latin jus, terme au parfum
sacerdotal, garant d’une équité entre les êtres.
Pour les juristes, il désigne avant tout la « règle de droit » – du bas latin directum, c’est-à-dire une
norme définissant le comportement en société.
Fort de cette double origine, il est perçu, dans l’imaginaire collectif, comme une constellation
immaculée et indiscutable. Ses codes votés par le Parlement et promulgués par le Président
deviennent, pour les masses, des repères quasi immuables. Avec ses décors, ses rites et sa liturgie, il
conserve des connotations sacrées : il ne manque que les vapeurs de l’encensoir dans ses palais.
Pourtant, derrière ce vernis, la pratique du droit est une activité profondément prosaïque, soumise
aux contingences de l’histoire et aux aléas du pouvoir. De ses origines monarchiques, il a gardé un
héritage : il demeure l’outil d’une caste dominante qui définit ce que l’ordre doit être et le fait
respecter par les forces dont elle dispose. Si le droit se présente comme universel, égalitaire et
impartial, il reste arbitraire dès lors qu’il s’exerce au sein d’un État-nation structuré par des rapports
de classe
Partie I – Le mythe de l’égalité devant la loi
L’égalité devant la loi est un principe fondateur des démocraties modernes. Inscrit dans les
constitutions, il est brandi comme symbole de civilisation.
En théorie, chaque citoyen devrait bénéficier des mêmes droits et devoirs, et être jugé avec la même
impartialité. En pratique, l’application de la loi varie sensiblement selon la position sociale des
justiciables.
Les affaires dites « mineures » – vols modestes, manifestations non-violentes inspirées par le désir
d’une vie décente – entraînent souvent des sanctions rapides et sévères.
À l’inverse, les crimes financiers d’envergure ou les fautes politiques commises par des dirigeants
bénéficient d’une indulgence manifeste : sursis, aménagement des peines, effacement discret des
sanctions.
Partie II – L’État-nation et l’arbitraire du droit
Le droit évolue. « Les amarres qui le liaient à l’absolu sont coupées ; il roule, comme nous-mêmes et
nos civilisations, dans l’élément amer du devenir historique », écrivait Emmanuel Berl.
Dans les démocraties représentatives, il reste intimement lié à l’exercice du pouvoir politique.
L’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1982 précise que les magistrats du parquet sont placés
sous l’autorité du Garde des Sceaux.
De fait, l’indépendance de la justice – pourtant promesse sacrée de l’État républicain – se heurte aux
directives émanant de l’exécutif.
Le budget de la Justice, voté par le Parlement, est défini par le gouvernement. Il reflète des choix
socio-politiques souvent en accord avec les intérêts d’un État capitaliste. Dans un système idéal et
transparent, ce processus garantirait l’équité ; dans la réalité, il creuse l’écart entre le droit proclamé
et sa mise en œuvre.
Partie III – Les élites et la protection judiciaire
La Cour de Justice de la République (CJR) illustre le fonctionnement d’une justice d’exception au
sommet de la hiérarchie sociale.
Destinée à juger les membres du gouvernement pour des actes délictueux ou criminels commis dans
leurs fonctions, elle manie avec maestria le sursis et le non-lieu. Résultat : les personnalités mises en
cause peuvent rapidement se recycler dans le système politique, à l’instar du blanchiment d’argent
sale dans le circuit économique.
Même lorsque sa suppression est envisagée, les projets de loi restent lettre morte, car aucune
faction, une fois au pouvoir, ne revient sur les privilèges qu’elle dénonçait auparavant.
Au quotidien, le droit met en lumière la dimension de classe de l’État. Les lois qui devraient servir le
bien-être général sont parfois remodelées pour servir les intérêts d’une minorité. Les sanctions, elles,
se plient aux statuts et fonctions :
- Classes populaires : peines rapides, fermes, non aménageables
- Classes puissantes : sanctions différées, aménagées, voire annulées
Partie IV – Du droit universel aux privilèges républicains
La Révolution bourgeoise de 1789 institua les élites politico-financières comme incarnation de la
nation.
Le droit, érigé en totem universel, ménagera dans ses méandres des zones où les privilèges
prospèrent. Ce paradoxe s’illustre depuis plus de deux siècles : l’abolition des privilèges en 1789 fut
accueillie comme un triomphe, mais les privilèges ont muté, prenant des formes modernes – crainte
des poursuites, aménagement judiciaire, prisons adaptées.
Conclusion
À travers l’histoire et la pratique contemporaine, le droit conserve une vocation essentielle : garantir
l’ordre. Mais cet ordre, tel qu’il est défini par les classes dominantes, sert autant à protéger qu’à
préserver leurs privilèges.
La justice, dans ce cadre, ne peut être pleinement indépendante tant que ses structures restent
subordonnées au politique et influencées par des intérêts économiques puissants.
Ouverture : Une réforme réelle exigerait :
- Indépendance totale du parquet vis-à-vis de l’exécutif
- Réforme des juridictions d’exception (CJR)
- Accès égalitaire aux moyens de défense juridique
« La justice n’est pas seulement une fonction, mais un pouvoir à part entière au sein de
l’État.
Elle opère dans le cadre d’un ordre juridique structuré selon la hiérarchie des normes,
laquelle garantit la séparation des pouvoirs.
L’impartialité du juge, fondée sur le respect des règles procédurales, assure la neutralité du
jugement et contribue à l’État de droit.
L’indépendance, qui surpasse l’impartialité, protège la souveraineté naturelle du magistrat
dans l’exercice de ses fonctions.
Toutefois, certains évoquent aujourd’hui un “droit flou” : lorsque les normes manquent de
précision, la procédure peut masquer les insuffisances et neutraliser le contrôle de la
responsabilité.
La contrepartie de l’indépendance est donc la responsabilité : un juge souverain dans son
jugement devrait répondre de ses décisions. »
Daniel Adam-Salamon – Formation à la Cour de Cassation, avril 2016
(1) avec l'aimable autorisation de Daniel Adam - Salamon - https://libres-penseurs.org/

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